jeudi 7 juin 2012

Quel avenir pour l'agriculture française ?


Un champ d'action étroit à un moment décisif de son histoire 
Ne nous y trompons pas : le rebond de 60% des revenus des agriculteurs en 2010 constitue à peine un rattrapage après des années 2008 et 2009 catastrophiques. Sur ces deux ans, le revenu moyen des exploitations professionnelles a été divisé par deux, pour atteindre 24 400 € en moyenne par an. Conséquence, l’endettement ne cesse de grimper et dépasse désormais 50% des revenus.

D’où une inquiétude grandissante au moment où se profile la réforme de la politique agricole commune en 2013. 
Car l’Europe, qui distribue 55 Milliards d’euros d’aides annuelles-plus d’un tiers du budget de l’Union Européenne-, devra se montrer beaucoup moins généreuse. Même si l’enveloppe était maintenue (ce qui ne sera vraisemblablement pas le cas), l’entrée des douze nouveaux pays dans l’Union entre 2004 et 2007 empêchera de maintenir les niveaux de subventions actuels. 

La France doit pourtant, coûte que coûte, soutenir son agriculture, cruciale pour son industrie, ses recettes à l’exportation mais aussi pour l’aménagement du territoire et le maintien de la ruralité, "mamelle et pilier de la société Française".

Quelques réalités de l’agriculture en France : 
- Plus de la moitié des 55 millions d’hectares du territoire national sont cultivés. Divisés en 350 000 exploitations agricoles, dont 195 000 de plus de 50 hectares, ils emploient 3,3% de la population active française ; 80% sont les chefs d’exploitation et les membres de leur famille, 70% ont un revenu inférieur au SMIC.
- La production agricole française est organisée de la manière suivante : 60% végétale, 40% animale.
- Alors que la part de la production agricole dans le PIB français est de 1,4%, les exportations de produits agro-alimentaires représentent  11% du total des exportations françaises.
- 23% de la production agricole européenne est assurée par la France.
- Un agriculteur français exploite 36 hectares en moyenne contre 29 ha en 2000.On arrive même à 96 ha dans les moyennes et grandes exploitations spécialisées dans les céréales et les oléoprotéagineux (contre 78 ha en 2000) tandis que les exploitations laitières comptent 26 vaches en moyenne, contre 20 en 2000.
- Plus de 50% des revenus : C’est l’endettement des  exploitations, qui ne cesse de grimper. Il peut atteindre jusqu’à 223 000 € pour un éleveur de porcs.
- 400 agriculteurs au moins se suicident chaque année, trois fois plus en proportion que des cadres.
- 8 Milliards d’euros . C’est l’excédent des échanges agro-alimentaires français en 2010. C’est notre deuxième excédent  commercial derrière l’aéronautique.

Dans quel état de santé se trouve aujourd’hui l’agriculture française ?
La France, puissance agricole du 20 siècle, « mère nourricière de l’Europe et modèle paysan et rural »pour tous, possède une des agricultures les plus efficaces au monde : 
- Des terroirs variés et fertiles, des rendements de céréales à l’hectare les plus élevés au monde, des animaux d’élevage parmi les plus productifs, une industrie aval (agro-alimentaire,…) performante et agressive à l’export, des productions de qualité supérieure, des experts pointus (ingénieurs agronomes, chercheurs,…) et enfin une influence culturelle et politique « agricole » unique au monde (rôle de l’électorat paysan, syndicalisme encore puissant, attachement au territoire,…).
Mais dans le même temps cette agriculture est devenue depuis 20 ans extrêmement fragile :
Longtemps premier exportateur européen et deuxième exportateur mondial derrière les USA, la France a vu sa part dans les exportations mondiales agroalimentaires passer de 9% en 1990 à 4,5 % aujourd’hui, alors que celle de l’Allemagne augmentait de 5,5% à 7 % et celle du Brésil de 2,3 à 6.
Le recul face à nos voisins allemands est impressionnant. Depuis 2000, l’Allemagne a doublé ses exportations agricoles notamment en viande et en produits laitiers ; alors que celles de la France n’augmentaient que de 12%. L’Allemagne produit deux fois plus de porcs et exporte trois fois plus de lait que la France.

Les raisons de ce déclin sont variées : 
- L’investissement agricole, y compris dans la recherche et le développement est bien plus bas en France qu’en Allemagne, en particulier en raison du refus d’utiliser des OGM.
- Elle est fortement dépendante de l’extérieur : énergie, pesticides mais aussi soja,…
- Elle reste encore trop fondée sur des organisations d’exploitations individuelles classiques et reste très en retard par rapport aux nouveaux groupes grands capitalistes-coopératifs financiers spécialisés (Allemagne, Scandinavie) qui contrôlent l'intégralité des filières:   par une maitrise et une rationalisation qualitative de la ressource,  par une politique de recherche active,  par une approche financière moderne (holding de contrôle des entreprises de transformation,…) et une optique commerciale agressive (marques puissantes vers les consommateurs finaux).
- Elle ne parvient pas à gérer une Europe qui donne trois injonctions contradictoires aux agriculteurs : pour les prix, alignement sur les moins-disant mondiaux ; pour l’environnement, le terrain de jeu reste l’Europe avec des normes supérieures et plus exigeantes que celles en vigueur sur le reste de la planète ; et la politique sociale qui elle reste nationale avec un État au bord de la faillite et un pouvoir d’achat paysan en chute libre.
- Le droit du travail est beaucoup plus accommodant en Allemagne qu’en France : notre voisin applique la directive Bolkenstein qui permet d’employer des ouvriers d’autres pays de l’Union en les payant au salaire en vigueur chez eux : les Allemands par exemple font travailler dans leurs abattoirs des Bulgares aux salaires Bulgares, et les Espagnols dans leurs plantations des Marocains aux salaires Marocains, ce qu’on s’honore de ne pas pratiquer en France. 
On ne peut pas impunément changer d’échelle ainsi pour une même activité, il faut donc payer si on veut  la fois des prix mondiaux, un environnement européen et des salaires Français. 
- Enfin, son rapport avec la population est ambigu : les urbains aiment incontestablement leurs paysans mais ils considèrent qu’ils sont râleurs, qu’ils polluent, qu’ils sont conservateurs et rétifs au changement, prompts à manifester grâce à des organisations  syndicales à l’importante capacité de mobilisation. La réalité, pourtant c’est que l’agriculture, au nom d’une mode verte démagogique est la grande perdante du Grenelle de l’Environnement, victime notamment des arbitrages rendus au profit du nucléaire et de l’incinération des déchets radioactifs. 
En outre, les Français  ont une vision pastorale de l’agriculture ; c’est la seule activité économique ou l’on veut continuer à faire « comme « avant ». Les nouvelles technologies agricoles sont donc réputées par nature suspectes. L’exemple des OGM est éloquent : la très grande majorité des Français sont contre, alors qu’il y plus de 14 millions d’agriculteurs qui cultivent les OGM dans le monde, plus qu’il n’y a d’agriculteurs dans toute l’Europe, et jusqu’à présent pas un seul mort.

Quels sont les 6 défis que l’agriculture française va avoir à relever demain ?
Au regard de tous les enjeux qu'elle doit affronter, l’agriculture est le secteur de l'économie Française le plus exposé au changement : 
Le défi alimentaire :
- Un enjeu quantitatif qui consiste à nourrir 9 milliards de personnes.
- Un enjeu qualitatif pour proposer une offre de qualité à la fois sanitaire, nutritionnelle, gustative.
Le défi économique :
- Une capacité d’adaptation et d’anticipation des fluctuations et de la volatilité des marchés.
La préparation à la fin du tout pétrole et la définition du post-pétrole par une politique de recherche active.
Le défi environnemental :
La protection de la vie humaine et des ressources naturelles.
L’atténuation du changement climatique, la baisse de la bio diversité couplée à la multiplication des épidémies.
Le défi géostratégique :
                - La protection de l’autosuffisance agro-alimentaire du pays.
                - L’exportation d’une filière puissante à l’internationale, arme commerciale et politique redoutable  
               dans la mondialisation agricole de demain.
Le défi politique et social :
- Le maintien de l’’influence des Agriculteurs Français dans l’Europe.
- Le rééquilibrage du partage de la valeur ajoutée entre les agriculteurs, la transformation et  la grande distribution.
Le défi sociétal :
La promotion le rôle majeur de l’agriculteur dans la société et l'assurance d'un minimum de protection et de garantie pour les plus fragiles ou démunis.
La contribution à l’augmentation du revenu des agriculteurs, le soutien ainsi que la préservation et le développement de la ruralité pour une nouvelle identité paysanne.


Que faut-il attendre de la réforme de la politique agricole commune ?
Le projet de réforme de la PAC (Politique agricole commune) comporte deux volets principaux : 
- Un volet vert, dans lequel une part du montant des aides directes sera en partie conditionnée à des pratiques protectrices de l’environnement. En outre cette PAC est censée devenir plus équitable via un plafonnement des aides aux grandes exploitations et l’instauration d’un niveau minimum garanti pour soutenir les plus petites exploitations
- Le projet en revanche n’apporte aucune amélioration quant aux instruments d’intervention sur les marchés, notamment les achats et les stockages de produits pour réguler la volatilité des cours. Il traite de la même manière le blé, le lait, la viande ou le sucre, ce qui est totalement inapproprié.

La commission reste sur l’idée que c’est au marché de réguler et aux filières de s’adapter.
Mais laisser jouer le marché n’est pas nécessairement le meilleur moyen d’assurer une agriculture durable, compétitive et respectueuse de l’environnement et de la bio diversité, surtout quand on connait la fragilité des exploitations Françaises.

Les Agriculteurs ne peuvent pas aujourd’hui se trouver en choc frontal  avec les événements de marché. 
Aucune exploitation ne peut vivre durablement quand elle ne sait pas à quel prix elle va vendre à l’horizon de 15 mois, voire quand en l’espace de trois mois un prix peut passer de 100 € à 220€, et deux mois retomber à 75. 

Enfin, jouer le marché ne peut que s’appliquer que si les autres partenaires mondiaux jouent aussi le jeu (c’est loin d’être le cas des USA, des pays émergents qui continuent à avoir des droits de douane prohibitifs et à subventionner lourdement l’exportation de leurs agriculteurs).

La grande conclusion de cette réforme, c’est qu’elle marque la fin de la gestion des marchés agricoles par Bruxelles, qui fixait les prix. C’est une page qui se tourne dans l’histoire de l’Europe et une nouvelle aventure libérale et « mondialisée » qui commence.

Quels grands tournants vont devoir prendre l’agriculture française pour s’adapter à la nouvelle donne mondiale et locale ?
Avant, il y avait d’un côté les productivistes, qui récoltaient de gros volumes avec beaucoup de produits chimiques, et de l’autre ceux qui jouaient la carte verte, mais produisaient moins. Mais avec les progrès scientifiques, les nouvelles réglementations, les attentes de qualité et de traçabilité des consommateurs et les besoins d’une production qualitative, respectueuse de l’environnement et de la bio-diversité, l’agriculture va devoir rentrer dans une nouvelle ère.

Pour répondre à ces nouvelles donnes, l’agriculture Française va devoir opérer une révolution technologique pour devenir une agriculture « écologiquement intensive » ou à « haute intensité environnementale ».

 Il faudra se préparer à produire plus avec moins de chimie, grâce à la biologie, ce qui va imposer des méthodes écologiquement intensives qui minimiseront les quantités d’intrants, permettront une meilleure gestion de l’eau et une optimisation des sols. Ces techniques exigeront  pour être développées de la très haute intensité intellectuelle. 
Ces défis vont signer le grand retour des agronomes, qui avaient abandonné le terrain, beaucoup trop laissé aux chimistes.

La France dispose d’un autre atout majeur : une filière agro-alimentaire puissante qui pourrait vite devenir une redoutable machine à exporter et à créer. Avec tous ses atouts, la France pourra exporter demain non seulement et se nourrir elle-même, mais aussi servir l’Europe du Nord et le bassin méditerranéen jusqu’au Moyen-Orient avec des pays comme l’Egypte ou l’Algérie, par exemple, qui sont parmi les plus gros importateurs de céréales du monde. 
Encore faudrait-il sortir des débats stériles  qui gênent le développement des biotechnologies, donc des OGM.


Quelles seraient les premières solutions possibles ?
La difficulté de l’exercice consiste à concilier d’une part les réponses d’urgence avec des mesures structurelles à plus moyen et long terme et d’autre part à défendre notre spécificité rurale nationale dans un cadre Européen et Mondial, libéralisé :
Une refléxion pourrait être engagée autour des axes suivants : 
- Soutenir une recherche décentralisée sur l’agriculture écologiquement intensive, en étroite liaison avec les agriculteurs et leurs organisations, encouragés à expérimenter et à innover dans le respect des normes environnementales.
- Reconstituer des stocks, européens et mondiaux, en particulier de céréales, pour réguler les fluctuations des marchés mondiaux et se prémunir contre d’inévitables pénuries mondiales.
- Etablir l'entrée de toutes les aides directes françaises et européennes dans un guichet unique, et dans une logique contractuelle, exploitation par exploitation.
- Promouvoir la logique contractuelle, notamment pour le lait et les fruits et légumes.
- Encourager les logiques de regroupement coopératifs, modèle à la fois equitable et rémunérateur pour l’agriculteur et compétitif sur les marchés.
- Relancer le dossier de l’installation des jeunes agriculteurs (ou reprise des exploitations) pour créer une dynamique positive du métier auprès des jeunes avec un vrai programme volontariste d’aide (New Deal de la jeune agriculture).
- Revoir vraiment le partage de la valeur entre les agriculteurs, les transformateurs et la grande distribution, pour que le dernier maillon ne tire pas systématiquement la couverture à lui, fragilisant de plus en plus les deux autres, et encourager la constitution d’organisations suffisamment fortes dans l’agriculture, qui puissent faire poids.
- Mieux expliquer à la population par une campagne de communication que ce n’est pas parce qu’on mange aujourd’hui correctement et suffisamment en France qu’on mangera assez demain, dans un monde de pénuries, et que le soutien aux agriculteurs, avec des exigences de pratiques environnementales, reste indispensable au 21 siècle.
- Faire découvrir à la population urbaine, dès son plus jeune âge, la réalité agricole française, en instituant dans le cursus scolaire la" journée de la terre" qui serait la visite d'une exploitation agricole: un rendez vous annuel adapté aux enfants avec une description ludique de l’activité et la remise d’un élément symbolique (diplôme, produit de la ferme,...).

mercredi 6 juin 2012

Une vie sans examen ne vaut pas la vie d'être vécue


Socrate est considéré comme l’un des fondateurs de la philosophie occidentale.

Pourtant il n’a rien écrit, il n’a pas fondé d’école, il n’a même jamais formulé quelque théorie que ce soit. Il n’a fait que questionner sans relâche sur les sujets qui l’intéressaient : ce faisant il a élaboré une nouvelle façon de penser, ou une nouvelle manière d’examiner ce que nous pensons.

 C’est ce qu’on appelle la méthode socratique ou la dialectique socratique (« dialectique » parce qu’elle consiste à faire dialoguer les tenants de points de vue opposés). Considérée comme un sophiste-quelqu’un qui utilise la rhétorique pour duper- Socrate a été accusé de corrompre la jeunesse avec ses idées .Mais il avait aussi de nombreux points disciples dont Platon, qui a transcrit ses idées dans une série d’ouvrages dans lesquels Socrate examine diverses questions. C’est en  grande partie grâce à ses dialogues-l’Apologie, le Phédon, le Banquet, entre autres- que la pensée de Socrate lui a survécu, et qu’elle a pu infléchir de façon décisive l’évolution de la philosophie occidentale.

L’examen de la vie
Socrate a vécu, en Grèce à Athènes dans la seconde moitié du V siècle av. J-C. Il s’intéressa à des questions concrètes, relevant de l’éthique, comme par exemple la nature de la justice. Toutefois il ne se souciait guère de l’emporter dans des discussions pour gagner de l’argent. Il ne recherchait pas non plus des réponses ou des explications ; il se contentait d’examiner sur quoi sont fondés les concepts que nous employons à propos de nous-mêmes (comme « bon », « mauvais » ou « juste »), car il estimait que la compréhension de ce que nous sommes et d’où nous allons  est le premier  devoir de la philosophie.

La préoccupation centrale de Socrate était donc l’examen de la vie ; son questionnement incessant, sa remise en cause impitoyable des convictions auxquelles les gens tenaient le plus lui attira des haines mortelles. Dans sa plaidoirie lors de son procès, ainsi que le rapporte Platon, Socrate déclara préférer la mort plutôt qu’une vie d’ignorance « une vie sans examen ne vaut pas la peine d’être vécue ».

Mais en quoi consiste exactement cet  «examen de la vie » ? Socrate a été l’un des premiers philosophes à se demander en quoi consiste une « bonne » vie. Pour lui, mener une bonne vie, c’est parvenir au bonheur en agissant selon le bien. Et le « bien » ne peut être discerné par un examen rigoureux.

Socrate réfute l’idée selon laquelle des concepts comme la vertu, le bien , seraient relatifs : il insiste sur le fait qu’il s’agit d’absolus, qui valent pour tous les hommes vivant sur terre.
Il considère que la vertu est « la possession la plus précieuse », et que personne ne désire  réellement faire le mal. Si ceux qui commettent de mauvaises actions agissaient contre leur conscience , ils en souffriraient, car tous les hommes recherchent l’apaisement de l’esprit ; par conséquent le mal n’est pas quelque chose que l’on fait de façon volontaire. On fait le mal, pense Socrate, par manque de sagesse et de connaissance. Il en conclut qu’il n’y a qu’un seul bien, la connaissance, et un seul mal, l’ignorance. La connaissance est indissociablement liée à la morale-puisqu’elle est le seul « bien » qui soit-,et c’est pourquoi nous devons « examiner » notre vie en permanence.


Le soin de l’âme
Pour Socrate, le savoir peut  aussi jouer un rôle dans la vie après la mort. Dans l’Apologie, Platon fait prononcer à Socrate sa fameuse formule sur la « vie sans examen », les paroles suivantes : « le plus grand bien de l’homme, c’est de s’entretenir chaque jour de la vertu et des autres choses dont vous m’avez entendu discourir, m’examinant moi-même et les autres… ».

Acquérir la connaissance, plutôt que des richesses ou un rang social élevé, tel est le but ultime de la vie. Il ne s’agit pas d’un divertissement, ni de satisfaire notre curiosité- c’est notre raison même de vivre.

Qui plus est, toute connaissance est en dernière instance connaissance de soi, car c’est elle qui  fait de nous ce que nous sommes dans ce monde-ci, et c’est par elle que nous pouvons prendre soin de notre âme imortelle. Dans le Phédon, Socrate dit qu’a vivre sans examen, l’ « âme est en proie à l’errance, au trouble, au vertige comme si elle était ivre », tandis que l’âme sage trouve l’équilibre


La méthode dialectique
Le plus important toutefois, c’est la méthode que Socrate employait pour examiner le savoir de ses interlocuteurs. Il se plaçait lui-même dans la posture d’un homme qui ne sait rien, et il se contentait de les questionner, en pointant les contradictions et les lacunes de leurs connaissances, pour mettre peu à peu les idées en lumière. Il comparaît sa façon de faire au métier de sage-femme qu’exerçait sa mère : il se faisait accoucheur d’idées.

À travers ces discussions Socrate était perçu comme l’homme le plus sage d’Athènes, non pas par son savoir mais parce qu’il partait du principe qu’il ne savait rien. Il était aussi conscient que l’inscription qui figure au fronton du temple de Delphes , « Gnothi se auton », connais toi-même, était aussi importante.

Pour parvenir à connaitre le monde et à se connaître soi-même, il est nécessaire de prendre la mesure de sa propre ignorance, et de se dépouiller de tout préjugé. Le but de cette démarche n’est pas d’instruire les gens, ni même d’apprendre d’eux ce qu’ils peuvent savoir mais d’explorer les idées qui sont les leurs. C’est la conversation elle-même, menée par Socrate, qui lui permettait de progresser. Grâce à ses questions, il met en lumière les idées et les présupposés de ses interlocuteurs, leur montrait les contradictions qu’ils recelaient, puis les conduisait à admettre de nouvelles conclusions.

Cette façon d’examiner une argumentation par une discussion rationnelle, à partir d’une position d’ignorance, marque un changement complet dans la pensée philosophique. C’est la première  utilisation connue du raisonnement inductif (dont s’inspireront d’autres courants et religions
(Le judaïsme avec le Pilpoul, les saint simoniens avec la pensée dynamique, le marxisme avec la dialectique matérialiste, La sociologie avec l’Ecole de Palo Alto…) : on commence par poser des prémisses fondées sur l’expérience ; on en établit la vérité, puis on montre qu’elles conduisent à une vérité universelle. Ce puissant outil de raisonnement a été ensuite développé par Aristote et ensuite par Francis Bacon (père du libéralisme moderne et de la philosophie du commerce) qui a fondé sur lui sa méthode scientifique.

Socrate est à la base non seulement de la philosophie occidentale, mais de toutes les sciences empiriques. Il serait temps de le redécouvrir et de l’appliquer au quotidien à tous nos raisonnements et à nos actions, pour une vie plus juste et  responsable. À méditer par nous tous !

mardi 29 mai 2012

Jolis ponts de mai... !


Pour moi, et pour le commun des mortels d’ailleurs, « un pont est une construction qui permet de franchir une dépression ou  un obstacle »… bref, un élément qui relie un lieu à un autre, voire des hommes à d’autres hommes, et c’est là que réside une part de la noblesse de sa fonction.
Mais quand on a un mois de mai qui n’est quasiment fait que de ponts, il devient rapidement évident que ceux-ci ne nous permettront pas de franchir les dépressions, quelles qu’elles soient – et ces dépressions, elles existent bel et bien. Et que ces fameux ponts créent de nouveaux obstacles au lieu de nous en affranchir…
Car force est de constater que, en fait, ces ponts créent des trous, des trous dans le temps de travail et dans les projets en cours (je ne vous raconte pas comment un retroplanning devient vite un casse-tête), des trous dans les équipes – qui est là, qui ne l’est pas - et dans la trésorerie des entreprises en conséquence.
Et nous nous retrouvons devant ce constat paradoxal : ces ponts ne sont, en fait, pas autre chose que des trous. La langue française est pleine de ces surprises, qui sont tout sauf divines, et que nous devrions changer désormais, puisque, comme chacun sait, le changement…
Le mot pont est aujourd’hui dépassé, il faut changer ce mot. Je propose le mot « trou »
Alors, au fait, est ce que vous comptez faire le trou du 15 août ?

lundi 14 mai 2012

Les mots me manquent… le mot « courage », tout particulièrement !


Le grand absent de ces semaines de débats, c’est le mot « courage ».
Le courage de dire la réalité de notre situation, simplement, en nous regardant dans les yeux.
Le courage de dire que des erreurs ont été commises, qu’il y a eu des oublis et des oubliés. Avoir ce courage  permettrait de pouvoir dire que la crise a été et reste réelle, qu’elle est devant nous, sans pouvoir être accusé d’agiter de vieilles peurs. Ce qui permettrait de dire que la France ne s’en sort pas si mal que ça, ou que tout pourrait être pire. Et là, nous aurions envie d’y croire.
Il en faut du courage pour accepter de ne pas être aimé de ses concitoyens quand ils deviennent des électeurs.

Le courage de dire non, je ne veux ni ne peux, honnêtement, faire des promesses que je ne tiendrai pas. Le courage de dire que l’avenir est sombre, et  qu’il y aura des efforts à faire. Comment  oser parler d’efforts ? A croire que ce mot est honteux…  parce que tout doit être facile et immédiat. Le sens de l’effort est -il une notion révolue, ringarde, voire extrémiste…  ?
Il en faut du courage pour croire que les électeurs peuvent entendre un projet, et non des promesses.
Alors, ne me dites plus jamais « bon courage » quand je pars travailler le matin. C’est ailleurs qu’il est  nécessaire, le  courage.

mardi 17 avril 2012

Quel avenir pour la France ?

Vers un nouveau modèle Français
La France en déclin : regardons la réalité en face

 La situation Française est singulière et exceptionnelle par rapport aux autres grands pays dits « industrialisés » : le rôle  du secteur privé productif dans l’économie est trop limité (42 % du PIB contre 57 % du PIB en RFA et 59 % en Italie !), l’industrie et ses (ex) nombreuses PME sont en voie de disparition, la croissance est portée exclusivement par les grands Groupes (banque, hôtellerie, luxe,…), la spécialisation est  trop orientée vers des activités de service à faible valeur ajoutée et un coût unitaire du travail qui a explosé –la plus forte augmentation depuis 10 ans de toute l’OCDE (33 € contre 27 € en Allemagne et 26 € en Italie).

Toutes ces faiblesses structurelles ont installé une conjoncture dangereuse :
 La croissance est passée de 3,5 % par an dans les années 70 à 1,1 % dans les années 2000 avec l’affaiblissement des entreprises et de la compétitivité.
 Un chômage structurel de masse élevé (2 850 000 chercheurs d’emploi en février 2012). Une augmentation de 900 000 chômeurs en 6 ans.
 Un déficit commercial qui a atteint un niveau record (76 Milliards d’euros). Une aggravation depuis 10 ans de 12 %.
 De manière moins connue, le taux de productivité en France a baissé depuis 3 ans de -5 %, ce qui est une première dans l’histoire du pays (Conséquences des 35 heures dans certains secteurs, RTT, jours de congés, absentéisme, démotivation,…).
 Dans le même temps, la dette publique de la France (dette brute de l’ensemble des administrations publiques françaises ; l'ensemble des engagements financiers, sous forme d'emprunts, pris par l’État, les collectivités territoriales et les organismes publics français - entreprises publiques, certains organismes de sécurité sociale…) a explosé (passé en trente ans de 21 % du PIB à 86 %) et place le pays sous la menace directe des marchés financiers.

La crise a bon dos : les raisons sont ailleurs

 Le déclin français ne s’explique pas seulement par la crise mais surtout par l’implosion d’un modèle économique et social qui s’appuie depuis 30 ans sur la dette publique.
Depuis 1980, la dette s’est substituée à l’inflation des « 30 glorieuses », pour lisser les tensions sur les salaires et la répartition des richesses. La libéralisation et l’internationalisation du secteur privé  ont engendré une dérive de la dépense publique (les dépenses - 57 % du PIB - et les recettes publiques - 50 % du PIB - sont les plus élevées des pays développés) et la création d’un méga-secteur public protégé (le pays a 5,8 Millions de fonctionnaires - +22 % depuis 2002 - ce qui place la France comme la nation la plus « fonctionnarisée » de l’OCDE avec un code de la Fonction Publique intouchable).
Le modèle Français, est arrivé à la fin de son histoire avec « des finances publiques à la grecque, des prélèvements à la danoise, une compétitivité à l’espagnole et une monnaie à l’allemande ».

 Parallèlement, la France refuse de voir son déclin en face et de prendre en compte le nouvel environnement de la mondialisation, ce qui explique les échecs de la modernisation du pays. La France s’enferme dans sa spécificité, déconnectée de la réalité, avec un redressement et des reformes rendues impossibles par plusieurs facteurs : une gestion gouvernementale qui oscille maladroitement entre un libéralisme financier sauvage irresponsable et un keynésianisme générateur de pouvoir d’achat redistributeur inefficace, une classe politique figée, idéologique et odieusement partisane qui pense avant tout à son clientélisme électoral (avant de penser à l’intérêt du pays), une fonction publique « égoïste » et « corporative » qui bloque tout progrès, des collectivités locales dépensières et sottement frondeuses, et une société française bloquée et frileuse, repliée sur elle-même et sur son clivage stérile Gauche-Droite, qui a encore peur de l’Europe et de la mondialisation.

Pourtant la France dispose d’atouts majeurs : sa situation géographique (carrefour entre le nord et le sud, porte vers l’Atlantique,…), le dynamisme de sa démographie, la qualité du système éducatif supérieur, une main d’œuvre qualifiée et productive, des ressources d’épargne abondantes, des infrastructures de grande qualité, des pôles d’excellence (secteur privé comme secteur public), un art de vivre envié par tous, une histoire, un patrimoine et une culture sans équivalent, la diversité et la richesse des origines de sa population et une culture de l’intelligence et de l’humanisme.

Mais tous ces points forts sont annulés par un modèle économique et social fondé sur une économie fermée et administrée, alors que la France aurait tout pour réussir.

La révolution tranquille : une nouvelle voie possible
Le déclin n’est pas inéluctable et la réforme du modèle français est encore possible. Les principes de remise en route sont clairs et pourraient passer d’abord par cinq axes de fond prioritaires :
 Un nouveau « projet productif » macro-économique lisible et courageux, accompagné de réformes de structure, qui passerait par la définition d’une stratégie et d’un projet économique et social à 5 ans, la construction de filières compétitives (comme l’Allemagne ou l’Italie) ; une remise en cause de la gouvernance politique et administrative vers plus de courage et de transparence ; la préférence des thérapies de choc courageuses sur les mesures graduelles, ponctuelles ou démagogiques ; la réhabilitation de l’entreprenariat, de la production, du travail, de l’investissement et de l’innovation, la fin de certains privilèges honteux de la fonction publique (ou d’entreprises publiques) et enfin  l’encouragement des français à investir davantage leur épargne dans les entreprises.

 Dans le même temps, le pays doit reprendre en main ses finances publiques de manière draconienne en assumant une stratégie de rigueur : forte baisse des dépenses publiques ; réorientation vers l’investissement (infrastructures, enseignement, recherche, santé) et vers les fonctions régaliennes (justice surtout) ; une augmentation modérée des impôts des ménages avec un système fiscal qui frappe une base plus large qu’aujourd’hui mais  à un taux plus faible. Un effort de 120 Milliards d’euros d’ici à 2017 qui devrait idéalement être réalisé à hauteur de 80 % par des baisses de dépenses et à hauteur de 20 % par des hausses d’impôts et de privatisations. Il faudrait également mettre en place un contrôle plus strict des dépenses des collectivités locales.

 La lutte contre le chômage endémique représente le troisième axe de changement : le plein emploi ne sera possible qu’avec un retour de la croissance et donc un redressement de la compétitivité qui passerait par un New Deal de l’Emploi concret qui comporterait plusieurs axes ; Il est urgent de freiner l’envolée des coûts du travail, qui résulte plus de l’explosion des charges et de la complexité du droit du travail que de la hausse des salaires (un coût du travail qui pourrait être allégé en basculant sur les consommateurs une partie du financement de la protection sociale). Dans le même temps, un effort considérable doit être entrepris pour élever les qualifications, le travail et l’éducation restant les meilleurs antidotes à l’exclusion, aux inégalités, à la fracture et à toutes leurs conséquences néfastes (populisme, extrémisme). Enfin, Pôle Emploi devrait devenir enfin un véritable « service public privé » efficace et performant (payé par les grosses entreprises et gratuit pour ses utilisateurs) au profit de ses clients avec une obligation de formation et de propositions d’emplois ciblés.

 La création d’un « Pacte Social » (comme il existe actuellement en Allemagne)  serait un axe innovant en France pour créer l’« Economie de l’Avenir autour du Mieux Vivre Ensemble », construite sur 3 axes : l’environnement et les nouvelles énergies, les services à la personne, à la dépendance et au handicap et enfin l’aide à l’intégration et au Savoir pour les plus défavorisés : Ce système entièrement privé  serait financé par les 1000 entreprises Françaises et permettrait de créer 200 000 emplois et de se substituer à l’Etat endetté et souvent défaillant dans ces domaines.
Ce chantier est indispensable, car au-delà de sa vocation (enjeux incontournables de l’avenir), de son efficacité (créations d’emplois et de richesses) et de son caractère social (solidarité qui peut reconstruire des personnes ou des territoires « perdus »), il sera créateur d’un nouvel esprit plus ouvert et généreux, facteur d’équilibre mental et d’optimisme pour redonner confiance à la communauté dans son ensemble.

 Enfin, le renouveau se fera par une France solide dans une Europe forte : une révolution politique de l’intégration européenne aux antipodes d’un protectionnisme ou d’un populisme dévastateur, avec une véritable européanisation des politiques économiques et sociales pour créer un pôle de décision, un site de production et un espace d’innovation capables d’affronter les Etats continents du XXIe siècle. La France pourrait jouer ainsi un rôle politique moteur dans cette première expérience d’une construction multinationale fondée sur la liberté, le marché et la justice et se nourrir de cette nouvelle aventure collective pour restaurer la confiance et réussir son nouveau projet mondial.

C’est par cette nouvelle voie que la France redeviendrait elle-même, comme le disait Tocqueville, « terre d’intelligence et de richesses, productive, humaniste et courageuse, le nouveau phare des nations du monde ».